De sacrées consultations...
Jacques DASSIÉ
Si un brave
quidam a quelques ennuis de santé, que rien ni personne ne réussissent
à traiter, cela prète parfois à sourire... Et pourtant, c'est presque un drame
pour lui !
Alors, pour illustrer cela, allons-y de notre petite
histoire et plantons le décor :
Vers la
cinquantaine, apparition brutale de troubles rhino-pharyngés grave,
dont une des manifestations était un spasme de la luette. Inutile
d'approfondir, retenons simplement que,
donnant souvent des conférences, devant des salles de plusieurs
centaines de personnes, il est facile d'imaginer dans quelle situation
je me trouvais lorsque subitement, plus aucun son ne sortait de ma
gorge, tétanisée par une crampe douloureuse, et cela pendant plusieurs minutes !
En période paroxystique,
cela pouvait se produire plusieurs fois par jour ! Et ce trouble me
pourrissait littéralement la vie !
Alors que faire ? Devant le désaroi du médecin de famille, une seule solution : consulter des spécialistes...
Mais voici la longue suite :
- Consultation de l'ORL du coin de la rue, dans une petite ville de
province : traitements médicamenteux, sans aucuns résultats.
C'était le premier d'une grande liste, et j'allais devoir en prendre l'habitude...
- Ça a été crescendo, dans les niveaux de notoriété et dans les
honoraires, à mille lieux de ceux reconnus par la Sécu... Ils ne
devaient pas
parler la même langue, sans doute ?
- Les derniers (non, je ne donnerai pas de noms), étaient chefs de
service ORL dans un grand centre français anti-cancéreux et l'autre à
l'hôpital Foch, à Suresne. Leur notoriété était largement internationale !
- Ils m'ont envoyé consulter tous les corps de la médecine, du
nutritionniste au psy en passant par le dentiste et le Kirlianlogue.
Pardonnez-moi, je ne sais pas comment appeler ce monsieur.
- Ils m'ont fait ingurgiter de la baryte, pendu par les pieds, devant
une caméra, pour m'annoncer triomphalement "Vous avez un spasme de la
luette !", alors que j'étais venu pour ce motif… Ils m'ont
prescrit tous les neuros-quelque chose, sans autres résultats que de me
faire abîmer
ma voiture, tellement cela me transformait en zombie... Mais le spasme était toujours là !
- Ils ont voulu m'extraire la "bourse de Luchka" (non, non si vous ne
savez pas où elle se trouve, c'est dans la gorge et c'est au
singulier…) et au
moment de l'opération, tous les symptômes pathologiques dudit objet avaient disparus... Opération annulée...
- Ils m'ont opéré d'un calcul dans un canal salivaire... Deux
heures sur le billard... Résultat : rien ! Inexistant le calcul....
Embarrassées, les explications du spécialiste, après... Il a prétendu
avoir seulement voulu faire un prélèvement pour analyse... Mais le
spasme était toujours là !
- "Ce sont vos dents !" Après cette affirmation péremptoire, on m'a enlevé deux molaires parfaitement saines...
Mais j'ai aussitôt observé et noté une rémission pendant pas mal de semaines, avant le retour des spasmes !
Probablement en rapport avec la très forte antibiothérapie imposée par ces extractions…
- Bien entendu, je vous fais grâce des examens modernes, scintigraphie
des salivaires (je me suis endormi dans leur tunnel !), scanner, IRM...
Mais le spasme restait imperturbable !
Kirlian ??? Oui, même ça, j'avais peine à garder mon
sérieux pendant que le spécialiste faisait son cinéma et que je voyais
irradier mes pieds,
étincelants dans la pénombre... J'en passe et des meilleures… Mais le spasme était, lui, toujours fidèle au poste !
J'ai vu toute les attitudes :
- "Ah ! (bras levés au ciel) que vous avez bien fait de venir me voir.
Votre cas est trèèèès intéressant, Je vois ce que c'est et je vais vous tirer de là !".
Rien du tout, il s'est planté, comme les autres.
- "Je suis le spécialiste du département pour l'examen des canaux salivaires"
Il a du y renoncer après m'avoir torturé une bonne
demi-heure et mis la bouche dans un état épouvantable. Un autre, non
"spécialiste
départemental" m'a fait cet examen la semaine
suivante, en quelques minutes et sans douleur. Sans rien trouver, comme
d'habitude…
Grandiloquent :
"Monsieur, j'ai atteint les limites de mon art et ne puis plus rien pour vous".
(Chef de service ORL dans un CHU). Au moins, c'était d'une parfaite honnêteté.
Sympa et direct :
"Ah ! les cons..."
Ça, c'était un psy, évoquant les prescripteurs de la consultation. Ça l'a beaucoup amusé.
Spirituel, ce monsieur, qui m'a néanmoins fait payer fort cher son trait d'esprit.
Mes préférés :
"Scratch,scratch" (bruit d'ongles raclant un cuir encore à demi chevelu)
"Mon vieux, je sèche complètement, voyez en un autre, peut-être que..."
La moue était dubitative, le ton un peu familier, mais la probité exemplaire.
Une rhumatologue, voulant bien faire :
"Non, cela ne concerne en rien ma spécialité, mais si vous voulez mon
sentiment, il faut passer à la vitesse supérieure et consulter un des
grands noms français (un temps mort) voire, le plus grand". Nouveau temps mort... "Je
vais vous faire une lettre pour le professeur X..."
Ne retenant que l'excellente intention, j'ai bien remercié cette dame.
Diagnostic instantané et très net, le Pr X… chef du Service ORL de
Foch, à Suresnes, voulait m'extraire les parotides et sous-maxillaires.
Il m'a même présenté un de ses clients, opéré "avec succès", peu avant.
Quand j'ai vu ce pauvre homme, le visage torturé d' innombrables tics
nerveux consécutifs à cette intervention, je me suis littéralement
sauvé en courant !
Ceux qui savent…
J'ai lu dans les yeux de certains l'indécision profonde et chez
certains autres (les plus dangereux) la naissance instantanée de l'idée
préconçue, de la certitude irréfutable... Tous se sont trompés,
et le spasme, toujours présent, se portait, lui, très bien…
.
Comment cela a-t-il fini ?
A la fin, un ras-le bol de la médecine, des médecins, des examens et
des résultats toujours négatifs, à commencé à m'envahir. Après quinze
ans de souffrances, une petite goutte d'eau a fait déborder le vase.
J'ai renoncé à toute fréquentation du monde médical et je me suis
soigné seul (tout au moins pour le sujet de ce message).
J'avais remarqué qu'après l'antibiothérapie massive, consécutive à une
extraction dentaire, les troubles avaient disparu quelques temps, me
faisant d'ailleurs croire à une guérison définitive.
Mon médecin traitant était à la fin convaincu et me prescrivait une
antibiothérapie avant chacune des obligations publiques importantes que
je pouvais avoir. Trois ou quatre dans l'année, et tout se passait
bien. Puis, au fil des ans, ces troubles se sont lentement espacés et
ont totalement disparu, peu après ma retraite.
Pourquoi raconter cela ? Oh, je ne sais pas. C'est un témoignage inquiétant. Peut être pour exorciser cette mauvaise période…
Peut-être pour me défouler dans un certain anonymat... Peut-être pour en faire sourire certains.
Allez donc savoir…